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Friday, June 25, 2021

Les Roses, de Rilke - un cadeau d'anniversaire

Les Roses, par Rainer Maria Rilke, publié pour la première fois en 1927

I

Si ta fraîcheur parfois nous étonne tant,
heureuse rose,
c’est qu’en toi-même, en dedans,
pétale contre pétale, tu te reposes.

Ensemble tout éveillé, dont le milieu
dort, pendant qu’innombrables, se touchent
les tendresses de ce cœur silencieux
qui aboutissent à l’extrême bouche.

II

Je te vois, rose, livre entrebâillé,
qui contient tant de pages
de bonheur détaillé
qu’on ne lira jamais. Livre-mage,

qui s’ouvre au vent et qui peut être lu
les yeux fermés…,
dont les papillons sortent confus
d’avoir eu les mêmes idées.

III

Rose, toi, ô chose par excellence complète
qui se contient infiniment
et qui infiniment se répand, ô tête
d’un corps par trop de douceur absent,

rien ne te vaut, ô toi, suprêment essence
de ce flottant séjour;
de cet espace d’amour où à peine l’on avance
ton parfum fait le tour.

IV

C’est pourtant nous qui t’avons proposé
de remplir ton calice.
Enchantée de cet artifice,
ton abondance l’avait osé.

Tu étais assez riche, pour devenir cent fois toi-même
en une seule fleur;
c’est l’état de celui qui aime…
Mais tu n’as pas pensé ailleurs.

V

Abandon entouré d’abandon,
tendresse touchant aux tendresses…
C’est ton intérieur qui sans cesse
se caresse, dirait-on ;

se caresse en soi-même,
par son propre reflet éclairé.
Ainsi tu inventes le thème
du Narcisse exaucé.

VI

Une rose seule, c’est toutes les roses
et celle-ci: l’irremplaçable,
le parfait, le souple vocable
encadré par le texte des choses.

Comment jamais dire sans elle
ce que furent nos espérances,
et les tendres intermittences,
dans la partance continuelle.

VII

T’appuyant, fraîche claire
rose, contre mon œil fermé -,
on dirait mille paupières
superposées

contre la mienne chaude.
Mille sommeils contre ma feinte
sous laquelle je rôde
dans l’odorant labyrinthe.

VIII

De ton rêve trop plein,
fleur en dedans nombreuse,
mouillée comme une pleureuse,
tu te penches sur le matin.

Tes douces ronces qui dorment,
dans un désir incertain,
développent ces tendres formes
d’entres joues et seins.

IX

Rose, toute ardente et pourtant claire,
que l’on devrait nommer reliquaire
de Sainte-Rose…, rose qui distribue
cette troublante odeur de sainte nue.

Rose plus jamais tentée, déconcertante
de son interne paix; ultime amante,
si loin d’Ève, de sa première alerte -,
rose qui infiniment possède la perte.

X

Amie des heures où aucun être ne reste,
où tout se refuse au cœur amer ;
consolatrice dont la présence atteste
tant de caresses qui flottent dans l’air.

Si l’on renonce à vivre, si l’on renie
ce qui était et ce qui peut arriver,
pense-t-on jamais assez à l’instante amie
qui à côté de nous fait son œuvre de fée.

XI

J’ai une telle conscience de ton
être, rose complète,
que mon consentement te confond
avec mon cœur en fête.

Je te respire comme si tu étais,
rose, toute la vie,
et je me sens l’ami parfait
d’une telle amie.

XII

Contre qui, rose,
avez-vous adopté
ces épines ?
Votre joie trop fine
vous a-t-elle forcée
de devenir cette chose
armée?

Mais de qui vous protège
cette arme exagérée ?
Combien d’ennemis vous ai-je
enlevés
qui ne la craignaient point.
Au contraire, d’été en automne,
vous blessez les soins
qu’on vous donne.

XIII

Préfères-tu, rose, être l’ardente compagne
de nos transports présents ?
Est-ce les souvenir qui davantage te gagne
lorsqu’un bonheur se reprend ?

Tant de fois je t’ai vue, heureuse et sèche,
– chaque pétale un linceul –
dans un coffret odorant, à côté d’une mèche,
ou dans un livre aimé qu’on relira seul.

XIV

Été: être pour quelques jours
le contemporain des roses ;
respirer ce qui flotte autour
de leurs âmes écloses.

Faire de chacune qui se meurt
une confidente,
et survivre à cette sœur
en d’autres roses absente.

XV

Seule, ô abondante fleur,
tu crées ton propre espace;
tu te mires dans une glace
d’odeur.

Ton parfum entoure comme d’autres pétales
ton innombrable calice.
Je te retiens, tu t’étales,
prodigieuse actrice.

XVI

Ne parlons pas de toi. Tu es ineffable
selon ta nature.
D’autres fleurs ornent la table
que tu transfigures.

On te met dans un simple vase -,
voici que tout change :
c’est peut-être la même phrase,
mais chantée par un ange.

XVII

C’est toi qui prépares en toi
plus que toi, ton ultime essence.
Ce qui sort de toi, ton ultime essence.
Ce qui sort de toi, ce troublant émoi,
c’est ta danse.

Chaque pétale consent
et fait dans le vent
quelques pas odorants
invisibles.

Ô musiques des yeux,
toute entourée d’eux,
tu deviens au milieu
intangible.

XVIII

Tout ce qui nous émeut, tu le partages.
Mais ce qui t’arrive, nous l’ignorons.
Il faudrait être cent papillons
pour lire toutes tes pages.

Il y en a d’entre vous qui sont comme des dictionnaires ;
ceux qui les cueillent
ont envie de faire relier toutes ces feuilles.
Moi, j’aime les roses épistolaires.

XIX

  Est-ce en exemple que tu te proposes ?
Peut-on se remplir comme les roses,
en multipliant sa subtile matière
qu’on avait faite pour ne rien faire ?

Car ce n’est pas travailler que d’être
une rose, dirait-on.
Dieu, en regardant par la fenêtre,
fait la maison.

XX

Dis-moi, rose, d’où vient
qu’en toi-même enclose,
ta lente essence impose
à cet espace en prose
tous ces transports aérien?

Combien de fois cet air
prétend que les choses le trouent,
ou, avec une moue,
il se montre amer.
Tandis qu’autour de ta chair,
rose, il fait la roue.

XXI

Cela ne te donne-t-il pas le vertige
de tourner autour de toi sur ta tige
pour te terminer, rose ronde ?
Mais quand ton propre élan t’inonde,

tu t’ignores dans ton bouton.
C’est un monde qui tourne en rond
pour que son calme centre ose
le rond repos de la ronde rose.

XXII

Vous encor, vous sortez
de la terre des morts,
rose, vous qui portez
vers un jour tout en or

ce bonheur convaincu.
L’autorisent-ils, eux
dont le crâne creux
n’en a jamais tant su ?

XXIII

Rose, venue très tard, que les nuits amères arrêtent
par leur trop sidérale clarté,
rose, devines-tu les faciles délices compètes
de tes sœurs d’été ?

Pendant des jours et des jours je te vois qui hésites
dans ta gaine serrée trop fort.
Rose qui, en naissant à rebours imites
les lenteurs de la mort.

Ton innombrables état te fait-il connaître
dans un mélange où tout se confond,
cet ineffable accord du néant et de l’être
que nous ignorons ?

XXIV

Rose, eût-il fallu te laisser dehors,
chère exquise ?
Que fait une rose là où le sort
sur nous s’épuise ?

Point de retour. Te voici
qui partages
avec nous, éperdue, cette vie, cette vie
qui n’est pas de ton âge.

Sunday, April 12, 2020

Demenement


Désinvolture timide mais assumée,
Féconde d’humilité et de hardiesse,
Et des paroles d’une éloquence exaltée
Qui déploie les vers d’une immaculée caresse.

Un départ qui revêt des allures d’exil
Pour celui qui ne bouge, expatrié urbain,
Qui cultive le rêve en démiurge imbécile,
Et d’éloges heureux couvre les jours anciens.

Abreuve-moi d’un mot, le plus rare et précieux,
En un souffle couché pour des mois de chaleur,
Une impression un songe, un astre de tes cieux,
D’un soupçon de printemps, donne m’en la couleur.

Je chante l’oraison d’un temps providentiel
Où, à peine effleuré par le mal folâtrait
Mon esprit dans ses yeux, profondeurs irréelles,
Témoin de gestes dignes du plus doux attrait.

Sunday, March 1, 2020

La Bête


J’aperçus le fier animal tourner le coin de la rue, et ma mémoire évoqua sa voix de grande enfant :

« Oh! Un sien! »

C’est comme ça qu’elle appelait sa fidèle créature, une brave championne, dirai-je pour dénoter sa féminité canine d’une autre façon que par ce mot galvaudé avec lequel on insulte trop souvent les putains. Cette biche ne pouvait être câlinée : elle cherchait sans cesse à nous attraper la main de sa gueule, afin de nous montrer comment faire, mais voilà qu’elle se faisait dépasser par ses limitations motrices. Et le problème est le même pour nous humains, à l’exception que nos limites sont plutôt psychologiques, émotionnelles. Mais outre cela, la bête ressemblait en tout point à sa maîtresse : elle savait mettre de la vie, animer une maisonnée, une assemblée, un party. L'animale ne connaissait pas la haine. Elle possédait la candeur d’une fleur, la joie d’un filet d’eau sur les galets, tout son corps riait très fort dès que d’un regard, on l’appelait. Elle était disponible, elle se donnait entièrement, avec abnégation. Elle ne demandait en retour qu’un peu d’affection, pouvoir courir dans les bois, une fois de temps en temps, dormir sur son tapis, près du lit de sa maîtresse, les quatre fers en l’air, en poussant de petits cris au fil des rêves qu’elle traversait en une nuit.

Sa maîtresse désirait, elle, être spéciale, comme si elle ne l’avait pas été, qu’elle ne pouvait l’être que dans le regard de l’autre. Cette humilité est tout à son honneur, mais vient avec son lot de complication : trouble de l’image, problème de gestion de l’affection, celle qu’elle projette comme celle qu’elle reçoit. Oh! Chère Romane, si seulement tu savais! Tu ne fais pas qu’attirer les regards, ils finissent par te suivre volontairement. Tu remplis de désir les hommes que tu rencontres, et sûrement quelques femmes aussi. Tu es une beauté équivoque, polysémique, polygénique, multibranche, apocope, tu es une énumération de chances et d’éventualités, de veine et d’auspices, d’amour et de passion. De muse pour Modigliani à écrin de joie, d’Europe sauvage à rameau de sage, la Lune s’épanche sur la poitrine des maîtresses, les flancs courbés, in illo tempore, des mythes gratifiés aux cœurs fédérés. Et sur l’olympe, cette descendante du chien de Valinor nous observe et parcourt le terrain enneigé de nos rêves.

Friday, May 10, 2019

De Hubert Reeves à Baudelaire

Un livre marquant que m'a donné mon oncle Julien, au tournant du primaire, fut L'Heure de s'enivrer, d'Hubert Reeves. Je n'avais jamais réalisé avant aujourd'hui que le titre faisait allusion au grand Charles. Voici ce magnifique poème :

Enivrez-vous (Charles Baudelaire)

Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.

Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous!

Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront, il est l'heure de s'enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise.

Monday, April 29, 2019

Ça va éventuellement devenir une toune...

Cybèle, elle est la vie
J’n’arrivais pas à enligner
Deux mots, j’tais ben mal pris
J’la voulais juste dans mes bras

Cybèle, l’est polysémie
Elle couve le monde derrière
Ses yeux, elle est la vie
Je m’fous de ceux qui n’y croient pas

Cybèle, mon silence est cri
Peut-être pas assez fort
M’entends-tu tard la nuit?
J’t’attends encore pour la premièr’ fois

Cybèle, c’est d’la nostalgie
Mais ça me pousse à continuer
De savoir que tu souris
T’es la princesse des aujourd’huis

Elle est rêverie salutaire
Irrévérencieuse sagittaire
Je l’répète, elle est la vie
Elle est l’amour, aussi

Cybèle, m’fait passer le pont
À chaque instant,  à chaque semaine
En revenant à la maison
J’voulais ses lèvres sur les miennes

Cybèle,  je tourne en rond
Ton nom m’fait rire, j’le dis tout l’temps
Ça m’rend heureux, tu as le don
De m'faire sourire, j'fais pu semblant

Cybèle, tu interromps
La charge d’l’histoire, fatalité
D’une gavotte, d’un rigaudon
Tu annonces tout du mois de mai

Cybèle, ils somment ton nom
Dans les églises et dans les temples
Tu es la mère, l’affront
Tu prêches la vie par l’exemple

La mort tu n'saurais qu’en faire
Autr'qu’un tattoo sur ta peau claire
Cybèle tu es la symphonie
Tu  es l’amour, tu es la vie

Monday, March 25, 2019

Poème anglais


Every story ends with a murder
Every character, torn asunder
It’s a mortiferous obsession
There never is a good enough reason
To die…

Today always seems a little too late
Finality the only true face of fate
Hell the grain of sand that falls  last
Into the final turning of the hourglass
Your death

Give me back my mother
Give me back my youth
Hope eventually stops to shimmer
The human body left uncouth
Courses of action aborted
Promising children turn to bitter old men
Velleity inhibited
I want to go back and fail all over again

Shameful deeds, indelible
Misdemeanour just because you’re able
Intoxicated by the sins you wrought
Remembering the past now leaves you distraught
What now?

It hurts more today than it did back then
Regrets turn to memories, a caustic burden
And yet it’s easier to cry about lost hopes
Than to make the step into a new abode
Same old...

Whatever happened
To the shy side glance?
To the laughing children?
To the first heartfelt romance?
Is now the time for broken heart?
A time for loneliness?
I see you, I see the time to part
I see you losing to the illness

We can’t seem to break the routine of pain
Some have it easy, it’s not our case
Disaster after disaster we strain
Don’t dare say it’s just a phase
I was born under the sign
Of an impending tragedy
Any intervention of the divine
Seems lost to some apathy

It’s a darker shade of life
The lost of basic free will
To pay destiny some kind of tithe
In the hope of gaining a standstill
But in the end it’s just coming
Straight at you like a wall
For the racer unsuspecting
Which speed surreptitiously enthrall

Nothing prepares for the moment the mind
Becomes in all manners blind
Melt into the primordial soup
Never gives us time to regroup
Until the end

The crisis becomes the stuff of songs
And so many voices tell me to be strong
But they don’t know how lost I am
Without her voice, I’m as good as damned
Finished

The wheel inexorably turns
I can only watch it from afar
Carrying me away from the times I yearn
Stripping you of who you are
I now live in a nightmare
Where the beasts on my flesh repast
I raise my eyes, meet theirs, I dare:
“Give me back my past!”

Friday, February 22, 2019

Candor mundi


Je ne suis déchiffrable
Que par la femme qui prend racine en moi
Comme un matin
Aussi je te baptise, Candor mundi

Candor mundi
Ton chagrin est mien
Tout comme ton sourire
Qui me fascine jusqu’au naufrage

Candor mundi
S’effrite à mon âge tout salut factice
Mais tes yeux sont le taureau
Qui me racheta du troupeau

Candor mundi
Ton cœur alsacien
Riposte contre mes phalanges
De traits d’inconsolables labeurs

Candor mundi
J’invoque en cette heure
La patte palmée
D’irréprochables langueurs

Candor mundi
En vapeur mes larmes remontent
Vers des cieux exaltés où sont chantées
Des vêpres extasiées

La nuit se déverse comme un ombrage de linceul
Elle verse sur la dérive une distance d’épave
Garde le cap et reviens-moi, fraîche et sucrée
L’estampe du ciel au profond de tes yeux
Et la promesse du lendemain au bout des doigts

Mon nez suit la courbure de ton cou sous ta mâchoire
Un vent frais, une trêve fortuite vagabonde à la vallée du matin
En souvenir du relief des chagrins

Ô doux rêves cutanés, lentes secousses d’une brise vitale
Ne t’éveille que pour poser un regard lascif sur une existence folâtre
Un œil qui caresse la trace photographique sur le celluloïd
Et jettera sur des jours heureux une lumière féconde d’une humanité entière

Ô lumière du monde, marque la page d’effluves élégiaques,
Recueille en ton sein les sourires que ses habitants fabriquent
Avec le souffle d’un cœur qui saigne sans pour autant tressaillir de malheur
Un cœur noble qui contient l’enfance équivoque de nos espérances.