Depuis ma
guérison, je n’avais pas encore assisté à une messe. Et ce matin-là, je
m’attendais à ce que ma mécréance me fasse vivre l’expérience avec un profond,
bien que respectueux, détachement. Et à prime abord, en m’approchant de ces
dames qui récitaient leur « Je vous salue Marie », c’est exactement
ce que je ressentis. Aussi, en attendant le début de cette messe, qui serait
dédié à Simonne, j’observai le décor de cette église où je n’étais jamais venu
avant et c’est étrangement le matériau sonore qui se révéla à moi : la
réverbération propre aux grandes églises, bien sûr, mais également ce silence
que les quelques voix en prière habitaient tranquillement. Et ce silence habité
se voulait apaisant, et curieusement nécessaire. Ce silence potentialisé
m’apparut comme la véritable fonction sociale de l’église, loin des politiques
dogmatiques du Vatican et des représentants de la religion catholique.
Paradoxalement au maximalisme architectural des églises québécoises, c’est la
simplicité de leur environnement sonore qui frappe. Elle confère aux motifs
visuels le sens derrière les Évangiles, dissociés de ce qu’on en a fait pendant
deux milles ans. L’église en tant que lieu de recueillement est nécessaire,
d’abord afin de se purger du désespoir et d’exposer un moment, ne serait-ce
qu’à soit même, sa propre vulnérabilité que l’on doit usuellement protéger
contre l’adversité du monde dans lequel nous vivons.
Lorsque la messe vint à commencer, je me rendis compte de la douceur de la scansion du texte cérémonial, un complément parfait à ce silence potentialisé intrinsèque au temple. Une dame lut d’abord un texte de l’Ancien Testament, mais l’intérêt de ce texte est d’un autre ordre que ce que j’étais en train de découvrir à propos de l’église. Car une fois notre sanctum sanctorum révélé, la fonction du silence habitable, et de la douceur des mots du célébrant qui vient l’habiter devient claire : prodiguer le pardon, ou une dose équivalente de compassion. S’accorder à soi-même le pardon relève de l’impossible : il faut presque toujours un intercesseur. Pour certains, c’est Dieu, ou un curé, pour d’autres, c’est un être aimé, un parent, un ami. L’histoire que raconte les Évangiles, et le sacrement de l’Eucharistie, sert à inspirer, à humaniser un continuum religieux en en évacuant le côté surnaturelle, qui pendant si longtemps, et tristement encore aujourd’hui, est souvent considéré comme matériel. On me demandera alors ce qu’il faut penser de la Passion du Christ, et de la Résurrection sur lequel le récit s’achève. La réponse est bien simple : contre le néant primordial, ce non-être inconcevable intrinsèque de la mort, incontournable fatalité qu’on ne peut définir, ni imaginer, intégrer dans ses schèmes narratifs le récit d’un être qui parvient à le vaincre est l’ultime procuration, et empêche de sombrer dans un vertige nihiliste ou un effroi à rendre fou. Les gens ont tellement tendance à sous-estimer le pouvoir des histoires. Mais les personnages fictifs dépassent par leur puissance et leur influence le plus valeureux des héros vivants. Ces héros, de toute façon, deviennent eux-mêmes, la plus part du temps, des personnages fictifs de l’imaginaire collectif…
L’humilité devant son prochain, l’Autre, celui qui peut nous accueillir, nous pardonner, nous faire symboliquement renaître, est contenue dans la formule du centurion de Mathieu 8 : 8 – « Seigneur, je ne mérite pas de t’accueillir dans ma maison, mais tu n’as qu’un mot à dire et ce garçon sera délivré de son mal. » L’humilité comme valeur primordiale et fondement du tissu social amène l’un à écouter l’autre d’abord, et s’ouvrir aux similitudes idéelles qui pourraient ou non créer le rapprochement. Il s’agit de se rendre disponible et de contrer les effets d’une surestime de soi qui risque de mener vers la mégalomanie ou le narcissisme.
L’abstraction domine le monde d’aujourd’hui. Qu’on l’appelle politique, religion, loi du marché, l’Image est toute puissante pendant que la terre se meurt sous le poids d’une humanité mortifère. La salvation de l’humanité se trouve dans la micro-gestion et le triomphe de la « petite vie », ce quotidien qui dépasse, en gloire, les fortunes des décideurs assassins. La croissance économique ne se calcule ni en quantité de ressources, virtuelles ou réelles, ni en nombre d’habitants. Elle se calcule par la satisfaction d’un travail bien fait dans un contexte de service. La satisfaction de celui qui reçoit le service, va de soi, bien entendu, mais la poursuite de l’excellence à elle seule doit être suffisante pour le plus vertueux des travailleurs, artistes, artisans et producteurs de toutes sortes.
Qu’attendre en retour, outre de chaleureux remerciement, qu’une part du Royaume des Cieux? N’avons-nous toujours pas compris que ce Royaume n’existe pas sous la forme d’un au-delà, mais bien d’un contentement bien terrien? Le pathos du silence habitable de l’église permet également les larmes de joie. Et qui sont les heureux, selon les Évangiles? Ceux qui sont à bout de souffle, les éplorés, les tolérants, les désireux de justice, les compatissants, les cœurs limpides, les conciliateurs et ceux dont on châtie la dévotion. Quelle sensation est meilleure que de se sentir digne de confiance, généreux, aimant et humble? Ceux-là ressentiront la plus grande satisfaction devant le silence habitable, ils ressentiront le Royaume des Cieux! Ce royaume, il s’étend aux confins du sanctum sanctorum, au plus profond de l’être psychique, il est ressenti, il est intuition, il est l’ultime contentement.
Ainsi, tout est à construire. Le temple est à reconstruire. Il faut réinterpréter les mots de jadis, non pas avec les acquis de l’histoire, qui sont bien illusoires, mais avec le cœur. L’église nous offre son silence, profitons-en pour ériger le plus grand des monuments à la gloire du simple humain. Préparons la vie de demain, non pas celle d’un au-delà moins que virtuel, mais celle de nos enfants, de nos pairs, sur terre, malgré le mal que nous-mêmes forgeons. Comme toute chose, il faut user de son jugement afin d’interpréter de manière constructive ce qui est venu avant nous. Rejoignons-nous sur le porche du temple, et célébrons!
Lorsque la messe vint à commencer, je me rendis compte de la douceur de la scansion du texte cérémonial, un complément parfait à ce silence potentialisé intrinsèque au temple. Une dame lut d’abord un texte de l’Ancien Testament, mais l’intérêt de ce texte est d’un autre ordre que ce que j’étais en train de découvrir à propos de l’église. Car une fois notre sanctum sanctorum révélé, la fonction du silence habitable, et de la douceur des mots du célébrant qui vient l’habiter devient claire : prodiguer le pardon, ou une dose équivalente de compassion. S’accorder à soi-même le pardon relève de l’impossible : il faut presque toujours un intercesseur. Pour certains, c’est Dieu, ou un curé, pour d’autres, c’est un être aimé, un parent, un ami. L’histoire que raconte les Évangiles, et le sacrement de l’Eucharistie, sert à inspirer, à humaniser un continuum religieux en en évacuant le côté surnaturelle, qui pendant si longtemps, et tristement encore aujourd’hui, est souvent considéré comme matériel. On me demandera alors ce qu’il faut penser de la Passion du Christ, et de la Résurrection sur lequel le récit s’achève. La réponse est bien simple : contre le néant primordial, ce non-être inconcevable intrinsèque de la mort, incontournable fatalité qu’on ne peut définir, ni imaginer, intégrer dans ses schèmes narratifs le récit d’un être qui parvient à le vaincre est l’ultime procuration, et empêche de sombrer dans un vertige nihiliste ou un effroi à rendre fou. Les gens ont tellement tendance à sous-estimer le pouvoir des histoires. Mais les personnages fictifs dépassent par leur puissance et leur influence le plus valeureux des héros vivants. Ces héros, de toute façon, deviennent eux-mêmes, la plus part du temps, des personnages fictifs de l’imaginaire collectif…
L’humilité devant son prochain, l’Autre, celui qui peut nous accueillir, nous pardonner, nous faire symboliquement renaître, est contenue dans la formule du centurion de Mathieu 8 : 8 – « Seigneur, je ne mérite pas de t’accueillir dans ma maison, mais tu n’as qu’un mot à dire et ce garçon sera délivré de son mal. » L’humilité comme valeur primordiale et fondement du tissu social amène l’un à écouter l’autre d’abord, et s’ouvrir aux similitudes idéelles qui pourraient ou non créer le rapprochement. Il s’agit de se rendre disponible et de contrer les effets d’une surestime de soi qui risque de mener vers la mégalomanie ou le narcissisme.
L’abstraction domine le monde d’aujourd’hui. Qu’on l’appelle politique, religion, loi du marché, l’Image est toute puissante pendant que la terre se meurt sous le poids d’une humanité mortifère. La salvation de l’humanité se trouve dans la micro-gestion et le triomphe de la « petite vie », ce quotidien qui dépasse, en gloire, les fortunes des décideurs assassins. La croissance économique ne se calcule ni en quantité de ressources, virtuelles ou réelles, ni en nombre d’habitants. Elle se calcule par la satisfaction d’un travail bien fait dans un contexte de service. La satisfaction de celui qui reçoit le service, va de soi, bien entendu, mais la poursuite de l’excellence à elle seule doit être suffisante pour le plus vertueux des travailleurs, artistes, artisans et producteurs de toutes sortes.
Qu’attendre en retour, outre de chaleureux remerciement, qu’une part du Royaume des Cieux? N’avons-nous toujours pas compris que ce Royaume n’existe pas sous la forme d’un au-delà, mais bien d’un contentement bien terrien? Le pathos du silence habitable de l’église permet également les larmes de joie. Et qui sont les heureux, selon les Évangiles? Ceux qui sont à bout de souffle, les éplorés, les tolérants, les désireux de justice, les compatissants, les cœurs limpides, les conciliateurs et ceux dont on châtie la dévotion. Quelle sensation est meilleure que de se sentir digne de confiance, généreux, aimant et humble? Ceux-là ressentiront la plus grande satisfaction devant le silence habitable, ils ressentiront le Royaume des Cieux! Ce royaume, il s’étend aux confins du sanctum sanctorum, au plus profond de l’être psychique, il est ressenti, il est intuition, il est l’ultime contentement.
Ainsi, tout est à construire. Le temple est à reconstruire. Il faut réinterpréter les mots de jadis, non pas avec les acquis de l’histoire, qui sont bien illusoires, mais avec le cœur. L’église nous offre son silence, profitons-en pour ériger le plus grand des monuments à la gloire du simple humain. Préparons la vie de demain, non pas celle d’un au-delà moins que virtuel, mais celle de nos enfants, de nos pairs, sur terre, malgré le mal que nous-mêmes forgeons. Comme toute chose, il faut user de son jugement afin d’interpréter de manière constructive ce qui est venu avant nous. Rejoignons-nous sur le porche du temple, et célébrons!
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